> Le noir est une couleur, de Grisélidis Réal, lu par Violette Pouzet. Publié pour la première fois en 1974, le texte expose une liberté crue gagnée par les flamboyances.
Le soir, la Leopoldstrasse s’allume comme une cathédrale. Sur les gazons brûlent des bougies, éclairant des peintures et des dessins posés à même le sol, ou appuyés contre les arbres. Partout des roses flamboient, rouge sang, orangées, jaune-thé, blanches à la chair transparente. Les gosses montent la garde pendant que j’en cueille en cachette, pour mettre la nuit dans mes cheveux. Ces roses, ce sont mes plus beaux bijoux, elles m’accompagnent dans mes promenades nocturnes. Elles tiennent jusqu’à l’aube et le jour j’en vole d’autres. Elles me consolent et me protègent.
> Dans les Cités, de Charles Robinson, lu par l'auteur.
Peut-être n’y a-t-il jamais eu que deux modalités dans les Cités : plein jour noyé de soleil, et celle-là coco tu me la gardes pour les panneaux publicitaires, et puis sérénité, dans une obscurité étale où les grillons sont équipés du nouveau modèle d’ailes silencieux confort nocturne, en double page à l’intérieur du catalogue. La nuit embaume les Cités. Partie des rues les plus étroites où elle lève ses ombres, elle voile les immeubles d’une gaze opaque et tend de l’un à l’autre ses pans, comme les enfants balancent entre deux dossiers de chaise un drap pour servir de cabane. Chut... Les rideaux de fer sont tirés et lourdement cadenassés. Impossible de savoir à cette heure si les locaux sont abandonnés, si le quartier a été définitivement déserté par la gent commerçante. Aucune activité, aucune livraison, aucun de ces mouvements internes à la ville qui recharge ses accumulateurs, reconstitue ses stocks, répartit ses humains, les occupe et les purge dans des bars, des restaurants, des boîtes de nuit. Les familles se dorlotent et se verrouillent. La vie est rangée.
>>>> Le site de la résidence