La conduite de la guerre

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soyez polis,
soyez professionnels,
soyez prêts à tuer tous ceux que vous rencontrez.
William Langewiesche s'intéresse à un sujet un peu moins théorique que la (non-)légitimité de la guerre en Irak, pour se consacrer à une question pratique : comment sur place la guerre est-elle menée ?
... quelles sont les conditions d'engagement ? (titre original de ce recueil d'articles)

La guerre est une chose sérieuse, presque laborieuse. On forme longuement les soldats, non seulement à tuer l'adversaire, mais surtout, à le tuer selon les prescriptions. Comme il est difficile de prévoir à l'avance tous les cas où l'adversaire pourrait être rencontré, donc abattu, le commandement établi, à chaque guerre, des règles d'engagement suffisamment souples pour assurer la mort de l'ennemi et le retour victorieux des soldats, mais aussi que ce retour ne soit pas chipoté par les droits-de-l'hommiste et autres chicaneurs en chambre.
À Haditha, le 19 novembre 2005, une bombe explose au passage du dernier Humvee d'un convoi, tuant sur le coup le conducteur : Miguel Terrazas. L'escouade de Marines saute des véhicules, et exécute un peu froidement dans les maisons alentour vingt-quatre Irakiens, hommes, femmes, vieillards, enfants, bébés. On écrase le coup. Ça ne marche pas. La presse enquête. Le scandale frémit. Le mot massacre finit par être évoqué. La hiérarchie militaire écarte quelques têtes tout en préservant ses ouailles, ses principes, son honneur. Puis viennent les procès, qui viseront à démontrer que les règles d'engagement n'ont pas été respectées, et que sortant de ces clous, les hommes qui composent l'escouade ont évidemment merdé. Faute personnelle. Ils ont pété les plombs. La chaleur. Le sable. Ces gens qui parlent arabe. Et leurs camarades tombés avant eux.
Le massacre a commencé vers 7 h 30 environ. À 9 h 30, un peu plus loin dans Haditha, un avion Harrier larguait sa troisième bombe du jour, 230 kilos, sur le toit d'une maison où venaient de pénétrer, selon toute vraisemblance, deux insurgés. Rasant intégralement la maison, et intégralement les habitants de la maison. Dont, les deux potentiels insurgés.

Le capitaine Lucas McConnell, après les rapports de la journée, conclut sur ces mots : « Messieurs, nous avons passé une rude journée, c'est triste pour Terrazas, mais tout le monde a bien fonctionné, donc bon boulot et continuez comme ça. »
C'est le point de vue du capitaine McConnell que William Langewiesche s'attache à décrypter, parce qu'il est important de comprendre ce que signifient, exactement, les règles d'engagement qui ont été données en Irak, ce qu'elles produisent au quotidien, sans les ensevelir sous les dramatiques erreurs individuelles ou les sombres accès de folie guerrière.

Charles Robinson

romancier

travaille dans quatre directions qui souvent s’interpénètrent : l’écriture, la création sonore, la littérature live, la création numérique.