L'arc-en-ciel de la gravité - Thomas Pynchon

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Proverbe du Livre des paranoïaques, 3 : s'ils peuvent s'arranger pour vous faire poser les mauvaises questions, ils n'auront pas à se soucier des réponses.
Londres, un jour de Blitz ordinaire, une fusée V2 traverse le ciel et ira frapper pile là où Tyrone Slothrop avait eu sa dernière érection. Quel nœud mystérieux lie les testicules de Slothrop à la trajectoire des missiles, rendant les érections aussi prédictives que la carte confectionnée par le mathématicien Roger Mexico en appliquant la loi de Poisson ? C'est à cette question que travaille Pointsman, au PISCES, un adepte du conditionnement pavlovien. Et c'est pourquoi il télécommandera la rencontre sur une plage de la Côte d'Azur entre un Slothrop en congés au casino Hermann-Goering, la troublante Katje Borgesius, et la pieuvre apprivoisée Gregori. Slothrop sauve Katje tentaculée en lançant des crabes à Gregori. Katje tentacule Slothrop dans ses rets de jambes. Slothrop se fait chiper ses fringues par une machination aux ramifications tentaculaires et doit enfiler le costume de Rocketman pour traverser l'Allemagne à la recherche de la Fusée suprême, au cœur de la Zone, gardée par le Schwarzgerät.

Supposons que L'arc-en-ciel de la gravité soit un Rubik's cube. Écrire le roman serait alors, s'appuyer chaque fois sur un carré, qui se déplace sur une des faces du cube, parmi un jeu de couleurs possibles.
Ici, quelles seraient les couleurs ?
La Fusée, déclinée en ses multiples variantes : V2, A4, 00001... Un personnage majeur : Tyrone Slothrop, Pirate Prentice, Enzian... La Zone, en ces lieux multiples : cave, camp, ruine... Un domaine technique, tel qu'il est utile dans la guerre : chimie, balistique, topologie... La sous-culture : superhéros de bande-dessinées, aventures de pulp, galerie des méchants (pirate, contrebandier, drogué...), femmes fatales...
Écrire le roman revient à multiplier les combinaisons, à faire surgir les carrés dans tous les assemblages possibles. Jouer du Rubik's cube comme d'un instrument free-jazz, dans une pulsion pressante, colorée, spectaculaire, sans contrainte de sens ou de propos. Car que sont les carrés, rapportés à l'espace littéraire ? Certainement pas des thématiques ou du sens. Ce sont des signes et contresignes. Le Rubik's cube est sémiotique. Une saturation de formes et de mouvements. Une hypnose / psychose de couleurs. Jouer ainsi, c'est être subjugué, emporté par la malléabilité du cube mobile, la prolixité de ses combinaisons. La fluidité mécanique des enchaînements et du glissement aisé des pièces. Chaque carré fait signe. Caché, présent, deviné. Il est parfois l'objet manquant d'une page, telle la Fusée qui se dérobe, après laquelle court Slothrop. Il est l'objet surcodant de la page suivante : la Fusée est phallique, dans un monde érectile débordé par les pulsions sexuelles des soldats ; elle dont le décollage est jaculation, et dont la courbe conforme à l'arc-en-ciel de la gravité est éjaculation.

Un pénis dressé frémissant dans une dentelle blanche, gluant de sperme et de sang. (…) Ses flancs d'acier se courbent harmonieusement...
Le signe n'est pas là pour donner du sens. La Fusée ne raconte rien, n'exprime rien, elle n'est pas une métaphore. Fausse idole, sa quête est une fausse parabole. La Fusée est un indice persistant dans le flux des histoires, un panneau indicateur : ici, plus loin, maintenant, déjà, plus tard. Le signe incite à tracer des histoires, pour le ressaisir. Rechercher la Fusée, c'est découvrir le signe partout : dans une orgie et surplombant les jarretières d'un travesti, dans un doigt dressé, dans une architecture, dans un dessin. Le signe appelle la paranoïa créatrice : la machine à associer, à rebondir, à lier les événements, est active, elle grouille.
L'arc-en-ciel de la gravité n'est pas un roman du complot. Pas de sombre machination, ni de société très ancienne. Mais les services secrets sont un indice, manifesté par leurs codes : sigles omniprésents, rapports perdus dans la hiérarchie, agents en goguette, ennemis, secrets industriels, sous-entendus, langage chiffré, mystérieuse jeune femme trop idéalement consentante pour être une nymphomane. Le signe, ça cache quelque chose. Il faut être aveugle pour ne pas voir les signes. Il faut être fou et bienheureux pour refuser d'en tirer les conséquences. Ou être affreusement insoucieux de soi-même.
Le signe en effet dissimule : une case vide que l'on peut remplir de ce qu'on voudra : idée fixe, secret en cours de fabrication, anecdote de jeunesse subitement signifiante, condition historico-politique.
Ainsi Tyrone Slothrop : enfant, il est préparé par les futurs dirigeants de la Firme car ses érections devront coïncider avec les points de frappe de la fusée – c'était donc ça mais oui... et les indices épars, les indices inutiles car rien ne les liait, s'organisent en une face du Rubik's cube, une combinaison inédite ; bientôt chamboulée par la prochaine qui jaillira du livre dans sa frénésie combinatoire. Codes à décrypter, sociétés secrètes, sous-cultures identifiables, écrit Pynchon.
Le complot et la révolte sont un indice, nouvelle combinaison : ce sont désormais les ampoules électriques qui prennent le maquis, leur chef est un nommé Phoebus, une ampoule immortelle, déjà changée de lieu plusieurs fois et maintenant impossible à localiser, bien que de nombreux agents soient sur sa trace et tentent de le pister ; tout un réseau est constitué, un plan est formé, et un langage chiffré pour passer les messages d'une ampoule à l'autre (on utilise l'électricité) : d'un coup, ce sont deux millions d'ampoules qui s'éteindront, plongeront les hommes dans les ténèbres : ils seront forcés de négocier après ce premier assaut.

Exercice de chamboule-tout, le livre est ouvertement dynamiteur, on est bien au-delà de la provocation.
Atteinte permanente au bon goût, gorgé de sperme, de pisse et de merde, affublé de gros nez et de chansons tartignoles, il applique la stratégie du Rocketman (Slothrop est supposé un double de Pynchon, via quelques anecdotes d'enfance communes) : le livre tape là où ça fait mal, dans les couilles.
Et le cas échéant, on baise, salement.
Politiquement, le livre attaque de front l'Occident évangélisateur. L'impérialisme américain, dont Pynchon décrit les prémisses dans le positionnement en Europe à la fin de la seconde guerre mondiale, n'est rien d'autre que le transfert de compétences du vieux système colonial européen.

L'Amérique, c'était le bord du Monde. Un passage pour l'Europe, grand comme un continent, auquel on ne pouvait échapper. L'Europe a trouvé le site de son Royaume de la Mort, cette mort particulière que l'Ouest avait inventée. Les sauvages avaient leurs régions perdues, leurs Kalaharis, leurs lacs si brumeux qu'ils ne pouvaient en voir la rive opposée. Mais l'Europe allait plus profond – elle s'enfonçait dans les obsessions, les toxicomanies, bien loin de l'innocence des sauvages. L'Amérique, c'était le cadeau des puissances invisibles. L'Europe l'a refusé. Ce n'était pas le péché originel de l'Europe – son dernier nom, c'est l'analyse – mais il se trouve que le péché suivant est plus difficile à racheter.
L'Europe apporta son analyse et la mort en Afrique, en Asie, en Océanie, dans l'Amérique précolombienne. Ce qu'elle ne pouvait utiliser, elle le tua ou le transforma. Les colonies de la mort devinrent avec le temps assez fortes pour prendre le large. Mais la poussée impérialiste, cette mission qui consistait à propager la mort, sa structure, continuèrent. Nous en sommes arrivés à la phase finale. La Mort américaine est venue et elle a occupé l'Europe. La vieille métropole lui a enseigné l'impérialisme. Mais il ne nous en reste que la structure, sans les immenses plumes en arc-en-ciel, les ornements d'or, les traversées épiques des mers alcalines. Les sauvages des autres continents, corrompus, mais résistant encore au nom de la vie, ont continué en dépit de tout... tandis que la Mort et l'Europe sont aussi séparées que jamais, et leur amour n'est toujours pas consommé. Seule la Mort règne.
Les Allemands ont incorporé de force une division noire pour servir de gardes à la Fusée. De ces noirs Hereros qui fascinèrent les médecins européens pour leur brusque perte de fécondité après la colonisation : comme si le corps social se convertissait à un suicide de race. Une fin tribale opposée au devenir chrétien. C'est bien avant le nazisme que l'Occident est exterminateur, rappelle Pynchon. Un ancêtre a à voir avec la disparition des Dodos sur l'île Maurice, est-il raconté, mais tous ont un lien avec ce courant constant de domination et de meurtre. Car la culture de l'Occident, est-il régulièrement envoyé, c'est la mort.

L'Europe chrétienne a toujours été synonyme de mort, Karl [Marx], de mort et de répression.
Slothrop, programmé depuis l'enfance pour courir après la Fusée et se rapprocher d'elle est sur la fin décrit comme mené par le désir de sa propre mort et de celle de sa race : qu'est-ce donc que la Fusée sinon la manifestation d'un désir de mort totale et d'extermination : l'arme suprême ! En effet, elle vous tient par les couilles, et Slothrop en est l'homme manifeste.

– Il n'y a jamais eu de Docteur Jamf. Jamf n'était qu'une fiction, pour l'aider à expliquer ce qu'il ressentait si douloureusement, de façon si évidente dans ses parties sexuelles, chaque fois qu'une de ces fusées explosait dans le ciel... Cela l'aidait à nier ce qu'il ne pouvait pas admettre : il était amoureux, sexuellement, de sa mort et de celle de sa race.
Ces Américains de vieille souche étaient à leur manière un mélange assez fascinant de poésie primitive et de psychisme mutilé...
La Zone est livrée aux vols, aux pillages et aux trafics en tous genres : privée d'un État fort, elle est abandonnée aux appétits sinistres des individus. Mais, plus fondamentalement, il n'y a Zone que parce qu'il y a eu guerre : décision de ces mêmes États forts. Et ce sont eux toujours qui mettent en place les services visant à piller les ressources, les stratégies d'accaparement, de domination.
Les individus sont des pirates médiocres, les États des flibustiers aux allures de commerçants. La guerre n'est qu'une manifestation de la lutte permanente des puissances et de leur action mutuelle d'appauvrissements qui suce le sang des populations.

Non. Tout ça, c'est encore de la propagande. Un bobard lancé par le PWE. Alors, messieurs, avez-vous vu que le jour optimum, c'est le 8 mai, juste avant le traditionnel exode de la Pentecôte. Les écoles sont fermées, la météo prévoit un temps splendide, on commence à avoir moins besoin de charbon, on aura quelques mois pour remettre sur pied nos intérêts dans la Ruhr. Non, il ne voit qu'une lutte de puissances, et cet appauvrissement qu'il constate depuis 39. On va la ramener en Allemagne, où elle devra se faire démobiliser, comme tout un chacun. Alors, aucun moyen de s'en sortir, ni pour l'un ni pour l'autre. Il y a encore quelque chose en cours. N'appelons pas ça une « guerre » si ça doit vous rendre nerveux, peut-être que la courbe des morts descend d'un poil ou deux, on retrouve de la bière en boîte, et il y a foule à Trafalgar Square, ce soir-là, il n'y a pas tellement longtemps... mais leur affaire continue.
La psyché des Occidentaux, malade de paranoïa fait sont lit dans l'obsession étatique du contrôle, qui traverse l'histoire du pouvoir en Occident. Contrôle : cela commence dès l'enfance, par la culpabilisation, le dressage, et les traumatismes freudiens (leçon de Pynchon : un enfant refuse un plat qui lui fait peur, faites-lui plaisir en l'invitant dans la cuisine, apprenez-lui à jouer avec les aliments et ustensiles, montez peu à peu la recette avec lui : lorsqu'il comprendra ce qu'il est en train de préparer, il sera trop tard pour sa santé mentale...). Contrôle : multiplication des services secrets, systèmes de surveillance, forces armées déployées au milieu des populations. Contrôle : conditionnement (Pavlov), déterminisme (prédestination calviniste), ou comment contraindre les esprits à assimiler les processus du contrôle. Contrôle : populations montées les unes contres les autres, aime ton ennemi comme toi-même : donc apprends, 1) qu'il est un ennemi, 2) qu'il n'a que de bonnes raisons de l'être, 3) que tu vas avoir besoin de quelqu'un qui te protège.
Le Yin et le Yang de l'Occident, c'est le diptyque Nous et Eux. Partout où j'existe, eux paraîtront dans le miroir.

– Tu es un paranoïaque débutant, Roger. » C'est la première fois que Prentice l'appelle par son prénom, et Roger en est si touché qu'il reste sans voix. « Naturellement, un système complet incluant les autres est nécessaire – mais ce n'est pas tout. Car les autres, ça n'existe pas sans nous. La paranoïa créative, cela suppose nous et eux marchant de concert...
Si nous avons des intérêts particuliers, légitimes à défendre, et des pulsions, et des désirs de meurtre et de grande baise, alors, eux, ils en ont aussi, et on ne peut pas exclure qu'ils ne nous fassent un enfant dans le dos les premiers.
Il est toujours un eux qui puisse être formé. Un double en miroir de nos désirs de posséder et d'assurer nos arrières. Partant, il est toujours un motif de paranoïa.
Qu'est-ce que l'histoire de la Fusée après guerre : une course en avant des Américains et des Russes pour être les premiers à posséder ce qui les empêchera désormais eux de se risquer à nous menacer. On peut nommer un eux, les rouges, les nazis, mais fondamentalement peu importe, un eux existe toujours potentiellement. Eux existe comme pan de la fonction de contrôle.
Contrôle : les réseaux, la pensée associative, les guildes, le commerce, ton sort lié au sort du voisin, qui est aussi ton compétiteur direct, car telle est la loi du capitalisme : tu dois être le meilleur, mais si tu gagnes et entres en monopole, ton règne s'achève aussitôt (tu ne peux pas gagner et tu dois vouloir que ton adversaire ne perde pas – comment faire plus pervers ?).
Contrôle : divisez les secrets pour mieux régner : que chacun sache un petit quelque chose : il vivra dans le double jeu de l'angoisse de ce que les autres savent et de la jouissance de savoir ce qu'ils ne connaissent pas, il aura un machin à cacher, et partout où il y a du caché il y a du pouvoir : échange-moi un bout de ton machin caché contre un bout du mien, etc.
Trouvons une zone frontière pour procéder à l'échange.
Ce qui unit la paranoïa et le masochisme (l'un et l'autre omniprésents dans le livre), c'est un même réflexe tordu et impuissant contre l'obsession et la permanence du contrôle.
Pourquoi les soldats se sacrifient-ils et acceptent-ils un sacrifice inutile (NB : celui que Jésus fit avant eux...) ? Pourquoi les chefs de service et les officiers supérieurs se roulent-ils au sol devant la moindre cravache et les hautes paires de bottes ?
Parce qu'ils tiennent au quotidien le premier rôle dans l'exercice du contrôle, tâchant de rester chaque fois du meilleur côté du manche (exerçant davantage de contrôle qu'ils ne sont contrôlés), alors, paranoïa, masochisme, c'est ouvrir une possibilité ludique de faire céder toute résistance, être abîmé dans le contrôle total de l'autre. Décompensation.

Contrôle encore : la magie, la cabale, tous les moyens historiques souterrains de prendre l'ascendant, de manière rapide, quand on ne détient pas les leviers de commande : toute cette histoire parallèle du pouvoir écrite par les minorités opprimées, qui ont adapté et dupliqué la stratégie du pouvoir.
La littérature de Pynchon forme un livre d'Histoire, un livre de cette Histoire parallèle. Le livre du contrôle muté.
Mais un livre aussi contre l'obsession du contrôle, contre la culture de la mort.
Le bouillonnement magnifique, désordonné, grotesque et funambule, humoral, spermatique du livre est un acte politique, une affirmation primitive, un réflexe de survie.

Des canyons s'entrouvrent, avec dans le fond des fumerolles embrasées, aux lourdes odeurs tropicales, bouillonnantes, luxuriantes... La conscience humaine, cette pauvre infirme, déformée, condamnée, va naître. C'est le Monde juste avant l'homme. Le Monde trop violemment appelé soudain à la vie pour que des yeux humains puissent le contempler directement. Ils sont censés ne le voir que mort, refroidi, stratifié, transformé en pétrole ou en charbon. Vivant, ce monde était une menace : c'était les Titans, toute une vie exubérante, stridente : une si belle couronne verte autour de la Terre qu'il fallait bien que quelqu'un vint gâcher tout cela, avant que la Création n'éclate. C'est alors que nous autres, les gardiens infirmes, nous fûmes envoyés croître et multiplier. Gâchant tout pour la plus grande gloire de Dieu. Nous. Comme une contre-révolution. C'est notre mission de faciliter la mort. La façon de tuer, la façon de mourir, uniques parmi les Créatures. C'était quelque chose, historiquement et personnellement, qu'il nous fallait mettre au point, construire. Une réaction presque de la même forme que la vie, pour soutenir cette révolte verte. Presque aussi forte, mais pas tout à fait.
Presque seulement, à cause des défections. Tous les jours il y en a qui passent du côté des Titans, dans l'exubérance de leur sous-création (comment la chair peut-elle bouillonner ainsi, sans être jamais moins belle ?), jusque dans les restes de cette chanson du terroir – la Mort (chambres de pierres vides). Toujours plus bas, jusqu'au soulèvement.
Un écho brutal. Ce sont les Titans qui s'agitent, tout en bas. Ce sont toutes les présences que nous ne sommes pas censés voir – les dieux des vents, des collines, du couchant – que nous nous efforçons d'oublier (il y en a qui n'y parviennent guère), ils laissent derrière eux leurs voix électriques dans le crépuscule aux limites de la ville pour s'enfoncer sous le manteau toujours entrouvert de la nuit jusqu'à ce que...
Soudain, Pan – bondissant – son visage trop beau pour qu'on le contemple, Serpent splendide, ses anneaux formant comme un arc-en-ciel – dans les os sûrs de sa frayeur...
Contre le contrôle, il y a d'abandonner. Ce que font les uns après les autres les principaux personnages. Perdus dans une orgie, une partie de cul, dans la fumée, ou perdus dans l'intrigue. Ils laissent tomber. Il y a un réflexe à la Walden là-dedans. Mais Thoreau était encore un organisateur, il était encore dans le contrôle. Pynchon lâche tout : sa création débridée, délirante, est un miroir brisé tendu vers le contrôle : une mise en scène de l'implosion, une prise d'otage, et regardez comme tout le monde s'en fatigue, regardez-les oublier les lubies et les ordres, les idées fixes et les idéologies, pour redevenir singes, foudroyés, dé-concernés.
Du contrôle, ils se sont débranchés, tout comme le livre aux ramifications multiples laisse celles-ci battre dans le vide telles des folles, avec leur agitation débile.

Pas une morale, une déclaration de résistance. Le Rubik's cube, achevé, rigolard. Compact. Pas bien facile à pénétrer. Un livre comme un objet massif, qu'on peut tourner dans tous les sens. Mille facettes.
1973 : publication de L'Arc-en-ciel de la gravité ; Pynchon a déjà abandonné son métier d'ingénieur et opté pour l'invisibilité. 1974 : un ingénieur hongrois au nom éminemment pynchonien de Ernö Rubik livre un objet qui va essaimer à la surface du globe, multiplier ses signes dans les foyers. Coïncidence ? Ben voyons...

Charles Robinson

romancier

travaille dans quatre directions qui souvent s’interpénètrent : l’écriture, la création sonore, la littérature live, la création numérique.